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Pourquoi persister à refuser à l’usufruitier la qualité d’associé ?

Article paru dans la Tribune de l’Agefiactifs n°745 du 5 au 18 avril 2019 – Rédaction : Madame Amélie DE BRYAS et Maître MARC DELASSUS.

En présence d’un démembrement de propriété de titres sociaux, qui de l’usufruitier ou du nu propriétaire peut bénéficier de la qualité d’associé.

Aucune réponse législative ne permet de résoudre cette question. Il est nécessaire de se référer à la doctrine et à la jurisprudence pour tenter d’y répondre

Les enjeux en cause sont déterminant dans la vie de la société dans la mesure où à la qualité d’associés sont rattachés des droits et obligations de nature politique (droit de vote) ou financière (participation au bénéfice ou contribution aux dettes sociales).

Si certaines de ces prérogatives peuvent être attribuées à l’un ou l’autre des protagonistes de manière conventionnelle, d’autres sont uniquement rattachés à la qualité d’associés sans plus de précision, tels que le droit d’Ordre Public de participer aux décisions collectives ou la faculté d’agir pour le compte de la société en réparation d’un préjudice.

La doctrine a toujours refusé de conférer à l’usufruitier la qualité d’associés, au motif notamment qu’ils n’effectuaient pas d’apport.

La Jurisprudence, quant à elle ne s’est jamais prononcée expressément sur cette question.

Au regard des dernières décisions de la Cour de Cassation accordant à l’usufruitier des prérogatives et des pouvoirs de plus en plus étendus, cette question mérite que l’on n’y apporte de nouveaux éléments de réflexion.

I. Revenons sur la thèse pseudo-déterminante des apports

L’usufruitier ne serait pas associé car il n’aurait pas la qualité d’apporteur.

Cette théorie a déjà été contestée en son temps par le Professeur Jean Derruppé, lorsqu’il distinguait deux cas :

  • Le premier, lorsque l’associé ayant réalisé son apport dans le capital social lors de la constitution de la société, démembre ultérieurement ses titres en transmettant la nue-propriété pour se réserver ‘l’usufruit.

Ayant à l’origine la qualité d’apporteur lors de la constitution de la société, il ne peut perdre cette qualité lors du démembrement.

  • Le second consiste à affirmer qu’il est impossible de procéder au démembrement de la propriété d’un bien qui n’existe pas encore « il est évident que les titres n’existent qu’après leur création. Mais pourquoi ne pourraient-ils pas être créés qu’avec une attribution en pleine propriété plutôt qu’avec une répartition des droits entre usufruitier et un nu propriétaire ? ne serait-ce pas un autre postulat aussi contestable que le refus de la qualité d’apporteur à l’usufruitier ».

Sans que cette analyse pertinente n’ait besoin d’être confirmée, la Cour d’Appel de Grenoble dans un arrêt du 22 mai 2006 n’a rien vu à redire dans une telle opération de démembrement ab initio lors de la constitution d’une société civile et a débouté l’Administration Fiscale qui y voyait une donation déguisée.

II. Reprenons maintenant l’analyse des décisions de la Cour de Cassation

Après avoir affirmé dans un célèbre arrêt du 9 févier 1999 « Château d’Yquem » que le droit de participer aux décisions collectives est un droit reconnu d’Utilité Publique, la Chambre Commerciale a considéré que si le nu propriétaire peut être privé totalement de son droit de vote même pour les décisions qui affectent la substance du bien (Ch.Com. 02/12/18), il ne peut toutefois pas être privé du droit de participer aux Assemblées Générales auxquelles il doit être systématiquement convoqué.

L’usufruitier quant à lui ne peut pas être privé de son droit de votre pour les décisions relatives à l’affectation du résultat (Ch.Com. 31/03/04). Toute clause statutaire contraire est réputée non écrite.

A l’inverse du nu propriétaire, il n’a pas à être convoqué aux décisions collectives lorsqu’il n’est pas appelé à voter (Cass.Civ. 3ème, 15/09/06).

Quant aux droits aux dividendes, si l’usufruitier a le droit aux dividendes correspondant au bénéfice de l’exercice, la Chambre Commerciale, le 27 mai 2015, a considéré que lorsque le dividende est prélevé sur les réserves, le droit de ??? de l’usufruitier s’exercera sauf convention contraire sous forme d’un quasi usufruit.

Au regard de cet arrêt nous pouvons donc en déduire conventionnellement que le droit aux dividendes prélevé sur les réserves peut être attribué à l’usufruitier sans pour autant que cela constitue une donation indirecte du nu propriétaire à l’égard de l’usufruitier (CE………).

Sans l’ignorer totalement, nous ne donnerons pas une grande portée à la décision du 22 juin 2016 de la première Chambre Civile qui affirme « qu’après avoir énoncé que si l’usufruitier a droit aux bénéfices distribués, il n’a aucun droit sur les bénéfices qui ont été mis en réserve, lesquels constituent l’accroissement de l’actif social et reviennent en tant que tel au nu propriétaire ».

Cette assertion est pour le moins confuse pour plusieurs raisons.

Tout d’abord les réserves appartiennent à la société avant d’appartenir à l’usufruitier ou au nu propriétaire, par ailleurs elles ne constituent pas un actif social puisqu’elles figurent au passif du bilan.

En dernier lieu, au regard du Droit des sociétés, un dividende, qu’il soit prélevé sur le résultat de l’exercice ou sur les réserves reste un dividende sans que sa nature soit changée.

Cette décision n’interdit pas en outre de prévoir conventionnellement dans les statuts de la société que les dividendes seront attribués à l’usufruitier quel que soit leurs origines.

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